Jacques Lusseyran
professeur, conférencier
Treize années de travail
  - 4000 heures de parole au "conteur"
"Le monde commence aujourd'hui."
Extraits des pages 71 à  74 de son livre


    Parler est une action solennelle .....
c'est un acte sacré.
Ce ne sont pas les paroles que je tiens pour sacrées.
Les pauvres, elles sont toujours mesquines, fausses et vraies en même temps.
 Mais la parole est sacrée, par l'acte de prononcer et  mettre ensemble des mots
en présence de quelqu'un à  l'intention de quelqu'un.


    L'orateur monte en chaire, je veux dire sur l'estrade. Geste tout social bien sûr, geste de convention : la société lui consent pour quelques minutes une situation dominante.

Et c'est alors que la division se fait entre les vrais et les faux orateurs.

L'orateur  faux
il n'aura parlé que de lui-même,
 de la façon particulière dont il voit le monde, de ses intérêts, de ses préférences.
 Et au creux du public, il y aura une gêne, la sensation presque physique d'une chose qui manque,
d'une chose qui n'a pas été donnée.
Ce qui manque ici, c'est justement la parole, la parole active.


L'orateur vrai
sait, lui,  que les mots qu'il dit ne comptent pas beaucoup,
et que sa personne - si exemplaire soit-elle- ne compte pas davantage.
Tout le travail, pour lui consiste à  faire jaillir les mots du dedans de lui-même.


    Le fait est que les mots sont là  avant moi, hors de moi et au-dedans de moi,
dans un espace non physique mais immédiatement tangible.
Mon affaire n'est donc pas les mots, mais la conduite des mots, leur direction.
Je dois les prendre, ou plutôt leur ouvrir la route,
et surtout les mener jusque sous le regard des hommes assemblés devant moi.


A tous ces gens, je vais montrer que tous ces mots que je dis
et qu'il entendent ne sont ni à  eux ni à  moi, mais qu'ils vivent.


Ainsi la parole est une participation à  la vie.
"


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